#31
la mère de mon père est décédée cette nuit.
je n'arrive même pas à écrire "grand-mère". parce qu'elle était pour moi "la mère de mon père". ou au pire "la belle-mère de ma mère". point de grand-mère, bonne-maman, de mamie.
un des seuls souvenirs que j'ai d'elle, le dernier, ce sont ses mains qui pincent mon nez pour me faire avaler une indigeste mixture qu'elle avait décidée que coûte que coûte j'ingurgiterais. son visage grimaçant de colère devant une petite de 6 ans qui ose lui résister. et mes pleurs et l'acidité du vomi que je déverse sur la moquette de la chambre, après le repas.
et puis encore ce souvenir récent, cet été, à l'enterrement de mon oncle son fils aîné, d'un de mes frères et soeur qui va vers elle après presque 30 ans sans contact, pour la saluer. et elle qui regarde et se détourne sans un mot, continuant son chemin comme si personne n'avait fait le pas de la reconnaître. nous n'existions pas pour elle. parce que nous avions commis le pêché d'être les enfants de cette femme-là qu'elle n'acceptait pas.
alors aujourd'hui qu'il me reste une grand-mère (qui a vrai dire ne trouve pas plus grâce à mieux que l'autre), je ne suis pas triste. je ne suis pas trop en colère. je me dis juste que peut-être le venin qu'elle a réussi à distiller malgré l'absence de relations sera moins puissant. et qu'il est temps que je fasse le deuil d'une famille idéale.
je n'ai pas eu de grands-parents, j'ai eu des ascendants. sans quoi je ne serais pas là. mais j'ai bon espoir d'être une grand-mère un jour. une vraie grand-mère que l'on peut nommer comme telle.
et quand je relis ça, en fait si, pour être honnête, je suis en colère. et il y a de quoi.